Cassation 10 juillet 2024 Nullité Bon de commande

Cour de cassation – Première chambre civile — 10 juillet 2024 – n° 22-22.031

Texte intégral

Cassation

ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C100406

Formation de diffusion : F D

numéros de diffusion : 406

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR DE CASSATION


Audience publique du 10 juillet 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 406 F-D
Pourvoi n° B 22-22.031

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2024

1°/ M. [H] [E],
2°/ Mme [C] [R], épouse [E],
tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° B 22-22.031 contre l’arrêt rendu le 2 juin 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 9-A), dans le litige les opposant :

1°/ à la société [S] M.J., dont le siège est [Adresse 3], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France,
2°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. et Mme [E], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, après débats en l’audience publique du 28 mai 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 juin 2022), le 13 mai 2013, à la suite d’un démarchage à domicile, M. et Mme [E] (les acquéreurs) ont acquis de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (le vendeur) une centrale photovoltaïque financée par un crédit souscrit auprès de la société banque Solfea, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance (la banque).
  2. Le 12 novembre 2014, le vendeur a été placé en liquidation judiciaire et M. [S] désigné en qualité de liquidateur.
  3. Les acquéreurs ont assigné le liquidateur et la banque en résolution des contrats principal et de crédit affecté.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

  1. Les acquéreurs font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes de nullité des contrats de vente et de crédit affecté, ainsi que leurs demandes relatives à la privation du droit à restitution du capital emprunté et à la déchéance du droit aux intérêts, alors « que la renonciation à se prévaloir de la nullité d’un acte suppose la connaissance du vice qui l’affecte et l’intention de le réparer ; que la cour d’appel a constaté que le bon de commande de l’installation photovoltaïque était nul, faute de donner la moindre indication sur le délai de livraison et les modalités d’exécution des travaux ; qu’en estimant que l’obligation avait été confirmée par l’exécution du contrat, sans constater que les acquéreurs avaient connaissance des vices dont elle avait constaté l’existence, la cour d’appel a violé l’article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ».

Réponse de la Cour

Vu l’article 1338, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

  1. Il résulte de ce texte que la confirmation d’un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l’affecte.
  2. Pour rejeter les demandes de nullité des acquéreurs, après avoir constaté que le bon de commande, qui ne comporte aucune indication sur le délai de livraison et les modalités d’exécution des travaux, méconnaît l’article L. 121-23, 5°, du code de la consommation, l’arrêt relève, d’abord, que les acquéreurs ont signé l’attestation de fin de travaux autorisant le déblocage des fonds et procédé à l’exécution effective du contrat de crédit en remboursant leurs échéances jusqu’au mois de décembre 2016, ensuite, que l’installation raccordée au réseau est productrice d’électricité sans qu’il soit justifié d’aucun grief sur le fonctionnement de l’équipement, enfin, que l’action judiciaire résulte d’une déception sur le montant de la vente d’électricité rapporté au coût du crédit et non des défauts d’information inhérents aux mentions du bon de commande.
  3. L’arrêt en déduit que ces actes positifs non équivoques caractérisent une volonté de percevoir les avantages attendus des contrats, confirmée même après introduction de l’instance, qui exclut que les acquéreurs puissent se prévaloir d’une nullité tirée d’une irrégularité formelle du bon de commande.
  4. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la connaissance qu’auraient eue les acquéreurs du vice au moment de la souscription du contrat ou de son exécution, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

  1. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l’arrêt qui rejette les demandes de nullité entraîne la cassation des chefs de dispositif qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

  • CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevables les demandes de M. et Mme [E], l’arrêt rendu le 2 juin 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
  • Remet, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
  • Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
  • En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance et la condamne à payer à M. et Mme [E] la somme globale de 3 000 euros ;
  • Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.


Décision attaquée : Cour d’appel Paris G9 2022-06-02 (Cassation)
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Commentaire :

Cour de cassation – Première chambre civile — 10 juillet 2024 – n° 22-22.031

FAUTE DE LA BANQUE ET ANNULATION DU CREDIT PHOTOVOLTAIQUE

 

Par un arrêt rendu le 10 juillet 2024, la Cour de cassation confirme sa position adoptée dans l’arrêt rendu le 13 mars 2024 en matière de confirmation d’un acte entaché d’irrégularité.

En l’espèce, à la suite d’un démarchage à domicile, des consommateurs ont acquis de la société NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE une centrale photovoltaïque en date du 13 mai 2013. Cette vente était financée par un crédit souscrit auprès de la banque SOLFEA et le 12 novembre 2014, la Société installatrice de panneaux photovoltaïques a été placé en liquidation judiciaire.

S’estimant lésé par cette opération désavantageuse économiquement, les acquéreurs ont assigné le liquidateur de la Société et la banque SOLFEA en annulation du contrats principal et du contrat de crédit affecté.

Par un arrêt du 2 juin 2022, la Cour d’appel de Paris a débouté les acquéreurs de leurs demandes de nullité des contrats de vente et de crédit affecté, ainsi que leurs demandes relatives à la privation du droit à restitution du capital emprunté et à la déchéance du droit aux intérêts. Les juges du fond ont en effet estimé que l’obligation avait été confirmée par l’exécution, et ce malgré la nullité du bon de commande pour défaut d’indication des délais de livraison.

Suite à cette décision, les acquéreurs ont formé un pourvoi en cassation.

Dans cet arrêt du 10 juillet 2024, la Cour de cassation vient casser l’arrêt d’appel en estimant que les acquéreurs n’avaient pas connaissance du vice affectant le bon de commande au moment où ils ont signé l’attestation de fin de travaux et commencé à rembourser les mensualités du crédit affecté.

En effet, la confirmation suppose que le contractant ait eu connaissance du vice affectant le contrat afin de pouvoir manifester sa volonté d’y renoncer de façon non équivoque.

Dès lors le contrat de vente mais aussi le contrat de crédit doivent etre annulés et les clients remboursés des sommes versées à la Banque depuis la signature de leur contrat.

Cette décision parfaitement fondée en droit s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel qui se veut très sévère à l’égard des banques, notamment sur leur obligation de vigilance et de conseil.